Le bilinguisme chez les enfants : un superpouvoir pour le cerveau
Autrefois perçu comme un simple atout pratique, le bilinguisme est aujourd’hui reconnu comme un véritable cadeau pour le cerveau. Les recherches en neurosciences et en psychologie cognitive révèlent que parler deux langues (ou plus) influence profondément la manière dont nous pensons, apprenons et interagissons avec le monde.
Mais comment le bilinguisme agit-il sur le cerveau ? Et pourquoi est-il si bénéfique dès la petite enfance ?
1. Le bilinguisme, un entraînement quotidien pour le cerveau
Chaque jour, le cerveau bilingue jongle entre deux systèmes linguistiques. Ce va-et-vient constant devient une forme d’exercice mental qui renforce la mémoire de travail, la concentration et la flexibilité cognitive.
Cet article publié par Radio-Canada en 2024, partage les conclusions des recherces menées par Sally Sade sur les habiletés cognitives des enfants bilingues de 3 à 5 ans. En effet, ses résultats ont démontré que "les enfants bilingues obtenaient de meilleurs résultats en matière de jeu social et de contrôle émotionnel, et qu'ils obtenaient de meilleurs résultats aux tests mesurant les fonctions exécutives dans l'ensemble. " (Sade S., Radio-Canada, 2024)
Chez les enfants, cette gymnastique mentale commence très tôt : passer d’une langue à l’autre favorise la curiosité, la confiance et la créativité.
2. Un cerveau plus résilient au fil du temps
L’un des aspects les plus fascinants du bilinguisme est sa protection naturelle contre le vieillissement cognitif.
Selon une étude sur les effets du bilinguisme sur l'émergence des symptômes de la maladie d'Alzheimer, Mario F. Mendez et al, rapportent que les personnes bilingues retardent ou peuvent compenser l’apparition des symptômes de démence ou d’Alzheimer. En d’autres mots, leur cerveau reste actif plus longtemps.
Pourquoi ? Parce que parler deux langues entretient la plasticité cérébrale, la capacité du cerveau à créer et renforcer de nouvelles connexions neuronales. Comme un muscle qu’on garde en mouvement, le cerveau bilingue reste vif et résilient.
3. Des changements visibles dans la structure du cerveau
Grâce aux avancées de la neuroimagerie, les scientifiques ont découvert que le bilinguisme ne transforme pas seulement le comportement ou la façon dont le cerveau fonctionne, mais aussi sa structure physique.
Une étude parue en 2017 dans le Developmental Science a révélé que certaines zones du cerveau, notamment le cortex préfrontal , impliqué dans la gestion des tâches complexes, sont plus développées chez les personnes bilingues. Ces régions contiennent davantage de matière grise, ce qui améliore la concentration et la capacité d’apprentissage.
4. Une meilleure concentration et gestion des distractions
Quand un enfant bilingue s’exprime en français, son cerveau doit automatiquement inhiber l’autre langue (par exemple l’anglais). Ce petit défi constant affine sa capacité à se concentrer et à ignorer les distractions.
Yurtsever et al (2023) ont observé à l'aide d'une méta-analyse de 147 études que les enfants bilingues réussissent mieux les tests de concentration, de mémoire de travail, de changement de tâches et du contrôle de l'inhibition. Ils apprennent à filtrer l’essentiel et à rester présents, une compétence précieuse à l’école comme dans la vie quotidienne.
5. Le bilinguisme dès la petite enfance : un atout émotionnel et social
Dès leurs premières années, les enfants exposés à deux langues développent une grande ouverture sur le monde.
Un article de Rong Huang (2023) a démontré que les enfants bilingues acquièrent plus tôt que leurs pairs monolingue la théorie de l’esprit soit, la capacité à comprendre que les autres peuvent penser différemment. Cette empathie cognitive leur permet de mieux coopérer, d’écouter, et de s’adapter à des environnements variés.
Au Jardin William, nous le voyons chaque jour : un simple échange entre deux langues devient un pont entre les cultures, les émotions et les façons de penser.
6. Les petits défis du bilinguisme
Certaines études mentionnent qu’un enfant bilingue peut parfois prendre un peu plus de temps à trouver le bon mot dans une langue donnée. C’est ce qu’on appelle le coût lexical.
Mais ce léger décalage n’a rien d’inquiétant : il résulte simplement de la richesse linguistique dans laquelle le cerveau évolue. Les bénéfices à long terme? Une agilité mentale, une ouverture culturelle et de l'empathie qui, selon moi, l’emportent largement!
En conclusion : deux langues, mille possibilités
Le bilinguisme est bien plus qu’un apprentissage linguistique. C’est un mode de vie qui façonne le cerveau, stimule la curiosité et favorise le vivre-ensemble. Dans une ville bilingue telle que Montréal, transmettre le bilinguisme aux enfants leur permet d'être outiller pour naviguer confortablement dans le futur dans les deux langues.
À travers le jeu, la découverte et l’amour des mots, les enfants fréquentant le Jardin William développent chaque jour ce superpouvoir : celui de penser, de comprendre et de rêver dans deux langues :).
Sources :
- Héloïse rodriguez, 2024, Radio-Canada, https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/2104337/bilinguisme-anglais-francais-cognitif#:~:text=L'%C3%A9tudiante%20au%20doctorat%20Sally,tests%20que%20les%20enfants%20unilingues.&text=Elle%20a%20effectu%C3%A9%20des%20tests,fonction%20ex%C3%A9cutive%20%2C%20d%C3%A9taille%20la%20doctorante.
- Mendez, M. F., Chavez, D., & Akhlaghipour, G. (2019). Bilingualism Delays Expression of Alzheimer's Clinical Syndrome. Dementia and geriatric cognitive disorders, 48(5-6), 281–289. https://doi.org/10.1159/000505872
- Arredondo, M. M., Hu, X. S., Satterfield, T., & Kovelman, I. (2017). Bilingualism alters children's frontal lobe functioning for attentional control. Developmental science, 20(3), 10.1111/desc.12377. https://doi.org/10.1111/desc.12377
- Asli Yurtsever, John A.E. Anderson, John G. Grundy, Bilingual children outperform monolingual children on executive function tasks far more often than chance: An updated quantitative analysis, Developmental Review, Volume 69, 2023, 101084, ISSN 0273-2297, https://doi.org/10.1016/j.dr.2023.101084.
- Rong Huang, Erin Ruth Baker, Tianlin Wang, Early bilingualism enhances theory of mind in children from low-income households via executive function skills, Cognitive Development, Volume 68, 2023, 101389, ISSN 0885-2014, https://doi.org/10.1016/j.cogdev.2023.101389.